A son réveil, Charlotte se retrouve dans un grenier inconnu au mobilier minimaliste. Deux tabatières dans le toit, une trappe close sur le plancher et une porte béante dans le mur (sans doute un ancien accès pour empiler la paille et le foin).
Par qui, pourquoi et comment est-elle arrivée là, nul ne le sait, ni ses proches qui la recherchent, ni elle-même, ni même vous, lecteurs !
Cinq journées d'angoisse et de (presque) solitude qu'elle vous fait vivre mot à mot, d'espoir en désillusion, de déboires en révoltes, d'imagination en réalité.
Un huit-clos hallucinant.
... et encore ! Ce n'est que la première saison.

samedi 5 mai 2012

MARDI 6 JUILLET (épisode 2)



Charlotte se réfugie sur le lit, qui ne vaut pourtant guère mieux qu’un rafiot dans l’océan, mais c’est sur ce matelas volant qu’elle est tombée dans le sordide et elle espère sans trop y croire que c’est là qu’elle trouvera le chemin du retour. Il lui suffit peut-être de s’y rendormir pour que le charme opère à contresens.
Son slip détrempé la gêne et elle frissonne malgré la maudite canicule qui perdure depuis le début du mois. Drapée dans la couverture, genoux fléchis sous le menton, talons contre les fesses et bras enroulés autour des jambes, elle fixe d’un air égaré le bord de la trappe sous laquelle elle peut tout imaginer.

Il est dix-neuf heures trente-sept, bientôt trente-huit. Les deux vasistas diffusent une lumière chiche et couchante. Charlotte ne cherche pas le sommeil et ne parviendrait de toute manière pas à le trouver. Ce qu’il y a ou non derrière cette porte-miroir de l’armoire l’obnubile. Enfin, quand elle se décide à franchir les trois ou quatre mètres qui l’en séparent et que, à peine en a-t-elle touché le bord que le pan pivote de lui-même, Charlotte découvre une penderie vide, dans laquelle elle pourrait se tenir debout sous la tringle.
Seulement deux essuies de toilette soigneusement pliés dans une bassine écaillée y traînent dans l’ombre. C’est ridicule : il n’y a même pas de robinet d’eau dans ce grenier. Elle inspecte à nouveau les alentours, persuadée toutefois qu’elle y a déjà tout recensé.

De l’intérieur, au travers du miroir, elle entrevoit alors le lit sur lequel elle était couchée quelques secondes auparavant. La couverture roulée en boule et le coussin rouge sont plutôt criants de vérité. « Un miroir sans tain ! », s’éberlue-t-elle. D’abord incrédule, elle gamberge déjà sur l’avantage qu’elle pourra bien en tirer. Elle grimpe sans hésiter dans l’armoire et rabat la porte sur elle. Il y a également une poignée pour la tirer de l’intérieur.
Le dispositif ne la rassure guère : si, maintenant, elle a la possibilité de voir sans être vue, sans doute aussi, à un moment ou un autre, lui rendra-t-on la pareille. Tôt ou tard, ceux qui la séquestrent lui imposeront leur double jeu : par exemple, tandis qu’un invité l’entraîne de force dans un coin, un autre a l’occasion de mater la scène, à discrétion d’elle-même comme du premier. C’est grotesque, halète-t-elle en se repliant en accordéon sur le plancher de la garde-robe, en quoi sa petite personne serait-elle susceptible d’éveiller le désir de vieillards libidineux ? Elle n’est qu’une jeune oie inexpérimentée, pas bien jolie en vérité - voire moche -, elle n’est pas trop futée non plus mais jamais elle ne consentira à se soumettre à leurs perversités.

Charlotte soupèse la situation. Quel intérêt, sensuel ou autre, trouverait-on à une fille aussi tristement insignifiante qu’elle ? Certainement doit-elle chercher ailleurs la clef du problème, au-delà des apparences.
La solution n’est peut-être qu’une évidence. D’une seconde à l’autre, Justine va soulever la trappe et pointer le nez. « Bonjour, tu as bien dormi, Charlotte ? », dira-t-elle avec un large sourire, « Comment tu trouves ta nouvelle chambre ? ». Charlotte grimacera une moue dubitative, à seule fin de masquer l’angoisse ridicule qui la tenaille encore. « Bien sûr, », ajoutera Justine en l’embrassant, «… il faut encore tout isoler, tout retaper, tout rafraîchir, acheter de nouveaux meubles, mais l’endroit est sympa, non ? ».
Elle s’est endormie pendant le trajet, voilà tout !, et elle ne se souvient plus de rien, ni de leur départ ni de leur arrivée. Elle ne se rappelle cependant pas que sa mère et sa sœur aient eu le projet d’acheter une bicoque misérable, de surcroît dans une campagne aussi morne. Néanmoins, cette éventualité la soulage et la ragaillardit. Elle n’est donc pas séquestrée par d’ignobles individus et, bientôt, elle visitera cette maison de fond en comble en se moquant elle-même de ses terreurs.

Charlotte s’extirpe de l’armoire et, rassurée, se dirige d’un pas résolu vers le trappe. Cette fois, ce maudit battant résiste. On a dû le verrouiller de dessous, à moins que, en tombant tout à l’heure, il se soit bêtement gauchi dans l’encadrement, ce dont elle doute car, par un interstice d’au moins cinq millimètres tout autour, passe un léger courant d’air, mais elle a beau y coller l’oreille, aucun bruit ne trahit la présence de sa mère ou de sa soeur. Probablement préparent-elles le repas au rez-de-chaussée ou sont-elles en train de contempler leur nouveau jardin. Il lui suffit de jeter un œil par la porte du mur, d’où elle les apercevra sans doute.  

Le vide hallucinant s’étend devant elle, le clocher bat tranquillement ses huit coups dans le lointain. A ses pieds, sur le large rebord, il y a la présence aberrante d’un plateau en osier farci de victuailles. L’échelle est maintenant à sa droite, presque à portée de main. En tendant le bras, elle pourrait l’atteindre du bout des doigts, mais, à son avis, même en se couchant pour assurer son propre équilibre, elle ne parviendrait pas à la faire pivoter légèrement jusqu'à elle, ni à soulever ensuite une telle masse afin d’en stabiliser les pieds à la verticale sur le sol. Pourquoi sa mère et sa sœur lui feraient-elles parvenir son souper de cette manière ridicule ? Même en supposant qu’elles soient toutes deux ulcérées de l’avoir retrouvée ivre morte, ce n’est pas du tout leur genre de lui concocter une pareille punition.
L’inventaire de ce qu’on lui propose à manger confirme d’ailleurs cette évidence : Justine déteste en effet les pommes du Cap, leur mère n’a jamais emballé non plus des tartines - ni quoi que ce soit - sous cellophane et elle-même ne reconnait pas du tout le récipient en plastique blanc dont elle vient de soulever le couvercle avec suspicion. Charlotte y examine les deux tranches de rôti sur leur lit d’haricots verts. Quant à l’assortiment de fromages, tout le monde sait pertinemment bien qu’elle n’y toucherait pas, dût-elle en crever de faim.
Ce n’est ni le moment ni l’endroit de s’évanouir, gémit-elle, atterrée par cette fichue réalité qui la submerge à nouveau. Sous son crâne s’accélèrent les pires suppositions qu’elle avait cru évacuer cinq minutes auparavant.
« La réalité est là, ma petite Charlotte : tu es bel et bien en cage et on ne te jette pitance que pour te maintenir en vie ; déjà, on ourdit pis que pendre à ton égard ! », croit-elle entendre de la voix même de sa sœur.
En définitive, qui sait si se catapulter dans le vide n’est pas un moindre sort que celui qui l’attend ?

L’évidence est, d’un côté, qu’elle se sent incapable de se défenestrer et, d’un autre, qu’elle ne sait comment anticiper ce qu’elle va devoir endurer. Entre les mains de ses ravisseurs, qu’est-elle d’autre qu’une poupée qu’on use ou dont on abuse, qu’un jouet à prendre ou à laisser au gré des humeurs ? Des flashes imprécis - plus angoissants encore que s’ils étaient explicites - la naufragent comme une pirogue chahutée dans le courant. Ce qu’on attend d’elle est impensable. C’est certain : on s’est trompé de marchandise ; on voulait enlever Cindy, ou sa sœur à la rigueur ; on n’est tombé sur elle que par hasard, par accident, par défaut.
D’ailleurs, comment réagirait Justine si elle était à sa place ? « En mangeant… », croit-elle l’entendre répliquer et, en effet, en dépit de ce qu’il lui arrive, Charlotte est tout bonnement morte de faim. Mais, lorsqu’elle tend le bras pour s’emparer de l’une des pommes, c’est Cindy qui semble cette fois chuchoter près de son oreille. « Arrête ! C’est bourré de barbituriques, ces machins-là ! », lui souffle-t-elle sur un ton bien peu rassurant. « Pas une pomme, tout de même ! », soliloque Charlotte à mi-voix. « A quoi ça sert, les seringues, selon toi ? », insinue encore Cindy, avec l’horrible sourire satisfait de celle qui est ravie de ne pas se trouver elle-même en pareille situation.
C’est clair que, à sa place, la blondinette n’en mènerait pas large. Il est facile de l’imaginer en train de se lamenter, geignant comme une vierge effarouchée et implorant ses geôliers de l’épargner, de ne lui faire aucun mal. Bien entendu, de telles jérémiades en auraient excédé plus d’un et il y a gros à parier que, à l’heure actuelle, elle aurait déjà ramassé une bonne paire de gifles qui l’aurait envoyée sur le lit comme un torchon. Une lopette, n’est-ce pas ce qui excite particulièrement un sadique ? C’est sûr : il n’aurait pas manqué de lui sauter dessus et de la crucifier sauvagement en considérant ses cris d’effrois comme des gémissements de plaisir. C’est certain : par la suite, Cindy serait le genre de fille à se cloîtrer jour et nuit dans la garde-robe exiguë comme un monte-charge, en y reniflant non sans terreur les relents de vieille cire et de moisissure.

Il n’empêche, se dit-elle plus sérieusement, qu’on pourrait bien profiter de son sommeil pour pénétrer dans le grenier à son insu, par la trappe ou par cette porte absurde qui ne mène ridiculement à rien. A-t-on idée de placer une issue plus piégeante encore que s’il s’agissait d’un mur orbe ?

Dans un premier temps, elle considère que condamner la première présente peu de difficulté : il suffit de la caler sous un pied de la commode ou du lit.
Mais Charlotte déchante vite quand elle essaye de faire glisser l’armoire sur le sol. Certes, le bois grince un peu en ployant vaguement sur le côté mais il semble que les pattes sont rivées au plancher par leur poids séculaire. Le lit par contre est moins rétif et il accepte de parcourir quelques maigres centimètres à la toute première tentative. De sa vie, elle n’a jamais rencontré un sommier aussi lourd, mais elle doit bien admettre que changer un lit de place ne fait pas partie de son quotidien. De son front, lui coulent de longues gouttes qui l’aveuglent et salent finalement ses lèvres. L’été a débuté sur les chapeaux des roues et la chaleur est bien partie pour accabler son monde jusqu’à la Toussaint. 
Il est passé vingt heures trente quand elle arrive enfin à poser l’une des pattes métalliques en plein mitan de la trappe. Vannée, elle s’écroule sur le matelas. Sa sueur s’évapore. Elle a soif, elle a faim, elle est éreintée, mais elle n’est encore soulagée qu’à moitié : en effet, comment barricader cette satanée porte en plein mitan du mur ? Peut-être est-on déjà d’ailleurs en train de grimper sur l’échelle ; peut-être y a-t-il quelqu’un à mi-hauteur ; peut-être une nuée de visiteurs vont-ils se ruer sur elle. Cette fois, c’est une suée froide qui la ravage. Elle croit entendre craquer le bois de l’échelle. Bientôt, un visage horrible va s’encadrer dans l’embrasure. Ecartelée sur le lit comme une martyre, Charlotte est incapable de faire le moindre geste.
Elle se sent à point pour un sacrifice si elle peut toutefois espérer qu’elle jouira ensuite de quelques heures de répit.





Au cinquième tintement de cloche, rien ni personne n’a brusquement surgi du ciel ni de nulle part. Elle essaie de se convaincre que, si on avait eu l’intention de la violer, cela aurait déjà été fait, assurément. Qu’exige-t-on alors de sa part ? Pourquoi l’a-t-on enlevée ? Qui a donc envie de se régaler de sa petite personne ?
Peut-être la considère-t-on tout bonnement comme un joli petit animal exotique, comme un ouistiti, un mainate, un ara, se persuade-t-elle, juste avant de se lever d’un bond, tirer le plateau de vivres à l’intérieur et clore ce chapitre en rabattant la porte contre laquelle, assise à même le sol, elle s’adossera de toute sa cinquantaine de kilos. « Et tu vas rester ainsi toute la nuit ? », s’entend-t-elle penser, à moins que ce soit un nouveau coup télépathique de Cindy. « Oui. », répond-t-elle avec fermeté, « … en attendant une meilleure idée ! T’en as une autre, toi ? ».
C’est alors que Charlotte constate que la porte est armée tout bêtement d’un verrou. La rouille l’a rendu rebelle mais elle en vient à bout après deux ou trois poussées, non sans se meurtrir les doigts dont les empreintes sont maintenant couleur nicotine. Dans l’élan, elle en a oublié de rentrer les victuailles. Il lui faut recommencer toute l’opération : débloquer le verrou, faire pivoter le battant pour l’ouvrir, ramener le plateau et - qui sait ? - apercevoir au loin un éventuel signe libérateur.

De fait, sur la route, à une distance de vingt mètres à peine, un tracteur s’éloigne en toussant. Un nuage sombre jaillit du pot d’échappement dressé vers le ciel. Dans la cabine semi-ouverte, le fermier est cramponné à son volant et, à ses côtés, un gamin en culottes courtes se tient debout, accroché aux montants métalliques de l’habitacle. Il a le nez en l’air et se tourne vers l’arrière. Charlotte a l’impression que c’est elle que le moutard est en train de regarder, bouche bée, avec un air d’idiot.
Son premier réflexe est de lui faire signe, d’hurler, d’expliquer par gestes qu’elle est séquestrée. Mais comment peut-on mimer qu’on a été enlevée ?

Bien sûr, ils ne sont déjà plus qu’un mirage lorsque Charlotte s’adosse contre le battant refermé en hâte, les bras ballants et les jambes en coton. Ses yeux se mouillent de dépit.
Elle pousse le loquet d’un réflexe rageur. C’est déjà ça : on ne viendra pas la surprendre de ce côté-ci non plus et, puisque on n’a apparemment pas décidé de l’affamer, elle a le sentiment de contrôler entretemps un peu mieux la situation.
Elle peut enfin manger à l’aise : somnifères ou pas, on n’a plus aucune possibilité d’abuser de la situation.

Ce n’est tout de même pas avec une fourchette ou un couteau en plastique qu’elle aurait pu s’évader ! rumine-t-elle, un peu humiliée quand elle constate qu’on n’a pas cru utile de mettre des couverts à sa disposition. Dans quelle intention délibérée l’oblige-t-on à manger du bout de ses doigts rouillés ? N’est-ce qu’un avilissement de plus, comme l’absence de point d’eau ou la souillure d’un matelas ?

A la seconde tranche de rôti froid et après mûre gamberge, elle dresse son funeste bilan. Elle n’est désormais plus qu’un pantin dans les rêts d’un psychopathe dont le dessein est de l’amoindrir d’abord à seule fin de la rendre plus coopérative ensuite. Lorsqu’elle aura touché le fond de la honte, qu’est-ce que cela pourra encore lui faire si on la soumet aux pires atrocités ? Par avance, un frisson la traverse comme un mauvais augure. Elle se refuse ne serait-ce qu’à les imaginer.
Le miroir lui renvoie comme une gifle sa mine défaite. Charlotte n’en mène pas large et son corps encore vierge la dégoûte anticipativement.

Soudain, elle la repère, cette caméra vissée sur le chapiteau de l’armoire, à peine plus grosse qu’un œil de boeuf. Monte en elle le sentiment horrible qu’un regard fixe la dénude dans sa plus profonde intimité.
Aussitôt, elle en aperçoit une autre, sur sa gauche, une autre encore entre deux solives, en compte une quatrième derrière elle, au-dessus de la porte donnant sur le vide, une cinquième, là-bas à droite, et ainsi de suite : en fait, il y en a plus d’une dizaine, disposées en cercle autour d’elle.
Bref, où qu’elle aille dans ce fichu grenier, elle est inexorablement filmée sous toutes les coutures.

Depuis son arrivée, elle est donc en permanence sous surveillance. Comment ne les a-t-elle pas remarquées plus tôt ?
Cernée par les yeux globuleux et toute entière en suspens, Charlotte calcule à mi-voix - sans doute inconsciemment pour esquiver un brusque accès de folie - le nombre de cassettes vidéos nécessaires pour enregistrer une seule petite journée de son quotidien. Le métrage de la bande l’impressionne, mais moins encore que le coût quotidien global !
C’est la première fois depuis son arrivée qu’elle se rend véritablement compte de son statut de détenue. Cela devient incontournable, inéluctable. La voilà comme une poupée fragile, soumise à la cruauté d’une gamine joufflue qui s’ingéniera tôt ou tard à lui arracher un tout petit bras avec un ravissement certain, rien qu’un, puis, tant qu’on y est, une petite jambe et, finalement, pourquoi pas sa sale petite bobine ? Disloquée en morceaux sur le plancher, Charlotte ne se voit plus autrement que sous l’apparence d’un vulgaire sujet de fait divers : « Mademoiselle Unetelle, tel âge, disparue du domicile familial depuis tel jour, dont le corps vient d’être retrouvé, à tel endroit, dans un état tel que plusieurs heures ont été nécessaires pour le reconstituer afin que le médecin légiste puisse déterminer les sévices encourus ainsi que la cause réelle du décès… ». 

La réalité est parfois plus terrifiante que la pire des fictions. En fait, il y en a douze caméras exactement, disposées en un cercle légèrement penché sur l’horizontale, à distance régulière l’une de l’autre comme les heures d’une horloge. Charlotte pourrait en atteindre certaines en levant simplement les bras ; pour d’autres, il lui faudrait grimper sur la chaise. Comment réagirait-on, se dit-elle en essuyant des larmes du revers de la main, comment réagirait-on si elle en aveuglait la plupart, par exemple, à l’aide des essuies, et pourquoi pas de son slip et de ses chaussettes ?

Car, de deux choses l’une : ou bien il s’agit d’une simple affaire de voyeurisme et, en se laissant gentiment reluquer, elle a encore une infime chance d’en sortir vivante, ou bien elle a affaire à une perversité plus complexe qui, quoi qu’elle puisse faire, ne lui laissera aucune planche de salut.
Son dilemme ne l’a pas avancée d’un pas. Dans un cas comme dans l’autre, elle est totalement à la merci de son ravisseur, dans les deux cas, arrivera bien un moment où elle sera confrontée à lui, en chair et en os ! En tous cas, il n’a vraisemblablement pas installé ce chapelet de caméras dans le seul et unique but de la surveiller.

Charlotte, perdue dans ses pensées, s’est recroquevillée sur le lit après un instant d’hésitation car elle a d’abord songé à se réfugier dans l’armoire. Cela n’aurait sans doute d’autre résultat que d’agacer son ravisseur, a-t-elle pensé ensuite ; elle n’est pas prête à le provoquer, même si les deux issues sont momentanément condamnées et la mettent dans une relative sécurité.

La nuit tombe sur ses épaules comme un couperet et la densité des ténèbres souligne à peine les pourtours du mobilier. Enfin, les caméras ne peuvent plus faire leur office. Cette trêve l’apaise, même si sa tête ankylosée la persuade intimement qu’il y avait effectivement une dose de barbiturique dans le rôti. Tout au long de son sommeil agité et en sueur, Charlotte ne s’extirpera d’un cauchemar que pour plonger aussitôt dans un autre, comme on le conçoit parfaitement.